- LI DAZHAO
- LI DAZHAOLI DAZHAO [LI TA-TCHAO] (1889-1927)La pensée et l’action politique de Li Dazao, l’un des plus brillants intellectuels de la Chine révolutionnaire, ont largement contribué à la montée de la révolution chinoise.Originaire de Leting, au Hebei, Dazhao suit l’école de droit et d’administration de Tianjin, dont il sort diplômé; il fréquente bientôt des intellectuels progressistes (Sun Hongyi). En 1913, il étudie l’économie politique au Japon, puis se lance dans une violente polémique contre Yuan Shikai qui vient d’accepter les «vingt et une demandes» japonaises (1915). Il devient rapidement un journaliste de réputation et, après avoir dirigé en 1912 la revue Yanzhi Zazhi (L’Homme et l’État ) de Yuan Shikai, puis édité en 1916 le Chenzhong bao (La Cloche du matin ) — journal conservateur du parti progressiste de Tang Hualong — il lance en 1918 le Chen bao (L’Écho ). À partir de 1918, et pendant une dizaine d’années, il enseigne à l’université de Pékin l’histoire, l’économie et la science politique; il associe son nom à un enseignement de haut niveau tout en contribuant aux revues radicales qui surgissent en cette intense période de fermentation intellectuelle, notamment au Xin Qingnian (Nouvelle Jeunesse ) de Chen Duxiu. Mais il veut bientôt sortir des limites proprement intellectuelles et s’engager. Son influence grandit parmi les étudiants qui le retrouvent partout: comités, conférences, revues. La révolution bolchevik, ainsi que Li l’exprime dans un article de juillet 1918 intitulé: «Les Révolutions russe et française comparées», va alors lui faire entrevoir une solution globale aux problèmes chinois. En octobre 1918, l’article qu’il intitule «La Victoire du bolchevisme» est aussitôt suivi de la création d’un groupe de recherche sur le marxisme, dont il a perçu l’importance.Les manifestations étudiantes qui suivent celle du 4 mai 1919 marquent l’avènement du nationalisme chinois et font apparaître à Li Dazhao que l’organisation politique constitue l’alpha et l’oméga de toute pratique révolutionnaire. Il organise des conférences sur le matérialisme historique qu’il conçoit comme prolégomènes à l’action politique. Mais la conviction que la théorie doit précéder la pratique est bientôt altérée par l’influence de son compagnon Chen Duxiu qui, à l’instigation de Voïtinski, l’envoyé du Komintern, décide de créer le noyau du futur Parti communiste chinois dès 1920. Très vite il n’est plus temps pour Li Dazhao de se livrer à d’ardentes controverses et polémiques avec Hu Shi pour définir les éléments du radicalisme dans la nouvelle idéologie, ou les formes idéales de la liberté individuelle à l’intérieur de la société socialiste. Le communisme chinois né du 4-Mai, mouvement intellectuel, débouche rapidement sur le léninisme, et Chen Duxiu a déjà prévu un plan d’établissement de cellules communistes en milieu urbain. Li organise aussitôt des groupes de militants (Zhang Guotao, Deng Zhongxia) qui vont travailler au sein du prolétariat. Le 1er juillet 1921 se tient à Shanghai et à Jiaxing le premier congrès marquant l’avènement du P.P.C. (Parti communiste chinois), en l’absence de Li Dazhao retenu par ses fonctions académiques. Cependant, il est élu au comité central en 1922, lors du IIe congrès, et devient l’avocat d’une alliance avec le GMD (Guomindang) préconisée par Maring, l’envoyé du Komintern. Un moment tenté par un rapprochement avec la clique militaire de Wu Peifu, lequel est alors en bons termes avec Moscou, il abandonne cette idée et s’ingénie à persuader Sun Yat-sen de collaborer avec le Komintern et le P.C.C. Sun Yat-sen accepte sous réserve que soit sauvegardée l’indépendance respective du GMD et du P.C.C., et que l’entrée des communistes au GMD ne s’effectue qu’à titre personnel. Sur cet accord, Li Dazhao entre lui-même au GMD. Infatigablement, il poursuit son action politique dans les universités, recrute des adeptes jusqu’en Mongolie (Ulanfu) et assiste à Moscou au Ve congrès du Komintern; il ne tarde pas à être désigné comme élément dangereusement subversif par les autorités universitaires et les factions réactionnaires qui naissent dans la période d’anarchie qui suit la mort de Sun Yat-sen (1925). En avril 1927, il est brusquement arrêté par Zhang Zuolin, satrape militaire de Mandchourie qu’il a formellement accusé de collaboration avec les Japonais. L’émotion est intense dans l’intelligentsia, d’autant que Li Dazhao a été appréhendé, avec le tacite accord des diplomates européens, à l’intérieur de l’ambassade de l’Union soviétique à Pékin. Une pétition signée par de nombreux intellectuels circule en vain: Li est pendu, à l’âge de trente-huit ans.Li Dazhao laisse une œuvre écrite importante et variée, sous forme d’articles théoriques, d’essais philosophiques et socio-politiques qui reflètent la profonde influence du marxisme sur la pensée chinoise moderne. Ses écrits dénotent une interprétation très personnelle du marxisme-léninisme: on y trouve en particulier un distinguo entre démocratie bourgeoise, «oligarchie d’une minorité privilégiée de la classe moyenne» et «démocratie prolétarienne» ou «ergatocratie», ainsi que des réflexions sur la nature de la dictature du prolétariat, sur la liberté, sur la philosophie et l’histoire chinoises, sur l’avenir de la révolution, qui témoignent d’une pensée profonde.
Encyclopédie Universelle. 2012.